« J’y vais ! »
Ce matin, j’ai invité les mamans à l’école. Maryem vient du Maroc, parle berbère, sa langue maternelle, ainsi qu’arabe et espagnol, car elle a traversé l’Espagne au cours de son voyage migratoire. Mona est d’origine allemande, elle a passé une partie de son enfance en France et l’autre en Allemagne. Elle a fondé sa famille en France, avec son mari d’origine algérienne. Güle vient d’Irak, elle parle arabe irakien, et a fui son pays. Amina vient de Djibouti, elle parle somali « à la sauce djiboutienne ». Et moi, je suis d’ici…
Nous nous réunissons pour que chacune traduise dans sa langue un court album jeunesse, J’y vais, afin d’en proposer une « lecture spectacle » aux enfants de l’école, à la maison de quartier voisine.
J’ai préparé des feuilles pour qu’elles notent leur traduction. Chaque page est l’occasion d’un échange. C’est la langue arabe qui s’invite en priorité ce matin, car elle est partagée par trois mamans. Au fil des discussions, elles affinent leurs propositions et décident ensemble des choix de traduction. Chacune devient passeuse de langue à tour de rôle. “Radio” restera-t-il “radio” ? Il existe bien un autre mot… Que décider ? Privilégier la langue de la littérature, ou la langue de la communication ? On parle de mots et de langues, c’est l’école… et c’est du plaisir.
Au-delà, on se découvre. Amina est venue avec son bébé, dont Mona s’occupe pendant qu’elle termine d’écrire. Un lien se tisse quand Amina raconte avoir vécu plus d’un an en Allemagne. Elle raconte sa difficulté à apprendre la langue, contrairement à son mari et son fils, ainsi que leur décision de venir en France où elle peut parler le français, qu’elle a appris à l’école. Malgré tout, elle se lance et prononce quelques mots en allemand. Une discussion s’engage, Mona est de Cologne, Amina connaît, son bus s’y est arrêté… Elles repartent ensemble de l’école. Amina est décidée à redécouvrir l’allemand avec Mona, les mots lui reviennent, les souvenirs aussi.
Plus que l’histoire de J’y vais et sa traduction, nous avons partagé un moment où chacune a livré quelque chose, découvert des parcours croisés, des points communs et des spécificités entre les langues, tout en prenant part à un travail collectif pour les enfants. Durant ce moment d’échanges transculturels, de centrage et de décentrage, chacune est là avec les autres. La suite… se laisser bercer par des mots étranges et étrangers, ainsi que de multiples mélodies qui racontent une même histoire.
Fabienne