Pour une école transculturelle
Aujourd’hui, les écoles des réseaux d’éducation prioritaire sont celles dans lesquelles il y a le plus d’enfants bilingues. Pourtant ici, pas de label « école internationale » : le bilinguisme n’y est pas encore – même si les idées changent – considéré comme une chance, une compétence utile.
Malgré le manque de statistiques sur leur situation scolaire, les élèves allophones sont souvent repérés comme des élèves en difficulté dans les apprentissages. Selon des observations de terrain, corroborées par des données empiriques et des enquêtes, ces enfants rencontrent des difficultés spécifiques. On peut estimer que cette situation est pour partie attribuable à la confrontation culturelle et à l’acculturation qui accentuent pour certains les difficultés sociales.
Dans quelle mesure l’école pourrait-elle éviter à ces élèves de s’inscrire dans un schéma d’échec scolaire ? Quelles difficultés pourraient être atténuées par l’école et non plus accentuées par un fonctionnement spécifique ? Comment intervenir auprès des enfants allophones afin que la transculturalité devienne une richesse plutôt qu’un obstacle pour apprendre ?
Lors d’une journée d’étude au Mans, en écoutant Marie Rose Moro parler d’élèves en « situations transculturelles », j’ai vu la nécessité pour les enseignants de se décentrer pour voir autrement les élèves et les parents. J’ai aussi perçu l’importance de considérer « l’autre », notamment par le biais des langues de l’enfant et de sa famille. En effet, si nous avons parfois une idée des langues entendues et parlées par les élèves et leurs proches, il est rare que ce sujet soit directement évoqué avec eux. Or, une meilleure connaissance des enfants et des familles, une prise en compte de leurs spécificités et de leurs singularités ainsi que la (re)connaissance du répertoire linguistique de chacun permettrait un ajustement plus fin face aux compétences particulières des élèves. Aussi, rendre visibles et audibles les langues des familles à l’école, valoriser ces langues familiales et compléter notre connaissance des élèves en les évaluant en langue d’origine, sont autant de pistes qui pourraient modifier le rapport des parents à la scolarité de leurs enfants et le rapport des enseignants aux parents.
Faire appel à des interprètes, véritables médiateurs culturels, permettrait par ailleurs de prendre conscience des malentendus et des incompréhensions. En favorisant l’échange, la présence des ces interprètes pourrait soutenir la confiance réciproque entre les familles et les enseignants. Adopter une posture transculturelle modifie ainsi le regard que l’on porte sur l’autre mais aussi sur soi-même. Ce positionnement transforme les relations : en changeant les images que nous nous renvoyons réciproquement parents, enfants, enseignants, il ne peut que favoriser l’épanouissement et la réussite de chacun.
Fabienne