Tenue traditionnelle
C’est la fin de l’année scolaire, par une journée ensoleillée, un événement : la remise des diplômes du baccalauréat, pour Oumar, à la Mairie. Maire, professeurs, élèves, parents et toutes les personnes impliquées auprès des élèves sont conviées. J’y suis aussi, attendant sur le parvis où nous sommes déjà nombreux. Surprise, je le vois arriver apprêté d’une tenue et d’un couvre-chef traditionnels. Plusieurs regards se tournent vers lui, la prestance de ce jeune garçon suscite visiblement l’intérêt. Oumar nous offre une palette de couleurs : bleu, blanc et jaune se tutoient sur le tissu détenteur de messages, qu’il revêt fièrement, en ce jour singulier.
Plus tard, il me confie que la tenue a été confectionnée spécialement pour l’occasion par sa tante maternelle, qui vit en Côte d’Ivoire. Chaque motif, chaque couleur, chaque détail du wax a une signification, transmise par la famille. Le tissu raconte une histoire, véhiculée par l’individu qui le porte, à la manière d’un identifiant culturel. Durant les trois années où nous avons travaillé ensemble, je ne l’ai jamais vu porter ces vêtements traditionnels. Pourquoi n’avoir jamais osé le faire ? Par peur, ou par honte, comme me l’ont rapporté certains jeunes ? Manquait-il d’une occasion spéciale ?
Le jour de la remise des diplômes, nous exprimons tous et toutes notre fierté : l’équipe pédagogique, moi-même et même madame la Maire. Emu, Oumar a une pensée particulière pour sa mère et sa tante, restées au pays, mais bien présentes aujourd’hui. Ce tissu lui rappelle les sensations éprouvées lorsqu’il le portrait en Côte d’Ivoire. La distance n’altère pas les appartenances, ni à la culture ni à la famille, bien qu’il soit parfois difficile de les vivre et de les faire exister, immergé dans une nouvelle culture française, pleine d’injonctions d’acculturation.
Avec cette tenue et ce couvre-chef, Oumar paraît radieux. De son allure générale se dégage une impression d’assurance. Dans un contexte migratoire complexe et douloureux, il ramène un bout de là-bas et de ce qu’il est au sein de l’institution française. Traditions ivoiriennes et françaises sont réunies lors de cette soirée. Je me dis, avec fierté, émotion, et probablement un fort besoin d’optimisme également, que Oumar a su trouver son métissage.
Mélissa