Dire Adieu

Lorsqu’on travaille auprès de demandeurs de protection internationale, on accompagne, entre autres, des personnes qui fuient la guerre, annonciatrice de décès. Aussi, il est fréquent que les personnes avec lesquelles nous travaillons aient à affronter le deuil durant leur exil.

En Europe, nous avons différentes manières d’accompagner les mourants, des façons culturellement déterminées de réaliser les funérailles et d’apporter des soins aux dépouilles. Il en va de même partout ailleurs. Ces pratiques dépendent de la religion du défunt, mais chaque culture a dans ses traditions des coutumes et des rites, qui soutiennent collectivement et psychiquement le travail de deuil.

Parfois, ces rites nous surprennent, tant ils sont éloignés de notre propre façon de penser la mort. Certains accompagnants peuvent alors avoir des difficultés à comprendre ces transitions ritualisées d’un ultime passage, et leur célébration. Au sens transculturel, il n’est pas vraiment question de “comprendre”, mais plutôt de donner la possibilité de procéder à ces démarches, d’accueillir et d’accompagner ces façons de dire adieu.

Quels peuvent être ces moyens techniques ? Alors que certains foyers d’accueil mettent à disposition des temps et des lieux de recueillement, certains intervenants proposent de faire dire un office. Une dame mongole m’a un jour proposé de souffler avec elle une bougie, pour laisser partir l’âme de sa mère récemment décédée.

L’impossibilité administrative de circuler que connaissent les demandeurs de protection internationale, rend impossible le respect profond des rituels nécessaires à la reconnaissance de la disparition. Toutefois, il est important de pouvoir ouvrir la porte au travail de deuil, en métissant les manières d’ici et d’ailleurs, ainsi qu’en tenant compte de ce qui est factuellement possible et de la solitude de ces personnes.

Dans leur article “Mourir à l’hôpital : aspects rituels et transculturels”, Claire Mestre et Aicha Lkhadir décrivent ainsi cette situation : « nos expériences respectives au sein de la consultation de la médecine transculturelle montrent l’importance qu’accordent les migrants aux rites dans l’accompagnement de leurs proches. Ne pas pouvoir y participer du fait de l’éloignement génère dans la plupart des cas une grande souffrance qui se traduit par des sentiments de culpabilité et très souvent par des deuils dits pathologiques. » 

Alors pensons à ces personnes réfugiées mais aussi endeuillées, veillons à leur donner la possibilité de procéder à un rituel, de se recueillir dans un espace particulier pour une prière, ou bien simplement donnons leur du temps, afin qu’ils puissent, de loin, être avec le défunt. Accompagnons un adieu transculturel qui soutient leur processus d’être dans la vie, en amenant de l’ailleurs ici.

« La mort éclaire la vie » – Marcelle Ferron

Jenny et Delphine