La cuisine comme médiation
Le Centre d’hébergement et de Stabilisation où je travaille propose un studio, relativement petit, à chaque mère accueillie, ainsi que des espaces communs. Les cuisines collectives sont spacieuses, propices aux échanges. Les mères y passent beaucoup de temps à cuisiner, et s’évadent ainsi un peu du quotidien.
Comment introduire dans cet espace des moments avec leurs enfants, afin de soutenir les transmissions des savoirs, le partage des goûts et la créativité des métissages ?
C’est Maimouna qui se lance la première, en partageant sa recette de pastels au thon, héritée de sa Côte d’Ivoire natale. Son fils Bakary la regarde pétrir la pâte, du haut de ses 8 ans, accompagné d’autres enfants et de leur maman. Pendant que les mères préparent ensemble la farce, j’aide les enfants à confectionner le dessert, une galette des rois. Les odeurs de cuisine nous donnent déjà l’eau à la bouche ! Lorsque la farce est enfin prête, les mamans s’installent à table, et c’est parti ! Les voilà qui montrent aux enfants comment assembler les pastels, petites et grandes mains sont au travail, dessinant minutieusement des traits sur la pâte à l’aide d’une fourchette. Bakary est fier de cuisiner aux côtés de sa maman et de montrer aux autres comment faire. Lui savait déjà, et ça se voit. Les mamans cuisent ensuite les pastels sur la cuisinière, autour de laquelle elles se rassemblent pour discuter. Les enfants jouent de leur côté en attendant la dégustation.
La cuisine est un formidable vecteur de transmission et de partage, inhérent à toute culture ! Les mères s’approprient ce dont elles ont hérité – bien souvent de leur mère, mais pas uniquement – et l’offrent à leur tour à leurs enfants. La cuisine est un lieu familier, un lien familial. Les enfants explorent les goûts en toute sécurité, et se préparent savoureusement aux métissages qui les attendent.