L’album photos
J’ai toujours aimé les albums photos. Se souvenir uniquement en regardant une photo. Retrouver les albums photos des aïeuls, de ceux qui ont laissé une trace de leurs passages avant nous. Chercher leurs histoires pour comprendre notre histoire.
Les femmes que je rencontre sur mon lieu de travail, au Centre d’hébergement et de Stabilisation, aiment aussi les photos mais ne possèdent pas forcément d’album.
Pour remédier à cela, je leur propose de sélectionner des photos pour que je les imprime ensuite. Nous nous retrouvons alors autour d’une table avec des photos soigneusement choisies afin de créer un album photo de famille. Les enfants et les mamans sont impliqués.
Ina, 4 ans, rigole de la photo prise le jour où son petit frère a renversé et joué avec la farine. Gary, 6 ans, découpe et colle délicatement les photos de lui bébé. Laura, 10 ans, fière de son album pense déjà à le poursuivre, elle qui vient de coller les photos de son petit frère, nouveau né fragile, encore à l’hôpital.
Je réalise alors à quel point cet atelier prend tout son sens dans ce centre dit de stabilisation. Laura m’avait dit ce mot important : la continuité. Cette continuité qui amène la stabilité psychique et émotionnelle.
Savoir d’où vient notre mère, notre père, ce qu’ils ont vécu et vivent encore. Savoir ensuite où nous sommes nés et comment nous avons grandi. Avoir des souvenirs de notre enfance quelque part pour grandir avec les anecdotes que racontent les parents et les grands-parents.
C’est cela la continuité. Les liens que l’on peut faire entre le passé, le présent, et l’avenir. Un avenir souvent incertain qu’il est rassurant d’accrocher avec une base solide. L’album photos est une façon de se raconter dans sa famille avec les autres. A travers sa sélection de photos, Aya me questionne et choisit ce moment pour me parler de la Côte d’Ivoire. Elle me parle joyeusement de son pays, me disant que je ne voudrais plus revenir en France si j’y mettais les pieds. C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai découvert son grand fils, resté avec sa grand-mère au pays.
Les photos marquent le plus souvent des événements positifs dont on a envie de se souvenir, quoi qu’il en soit. Même si les proches que l’on découvre dessus sont absents ou loin. Il s’agit donc d’une manière de se raconter autrement qu’administrativement, en collectant des souvenirs pour se les remémorer et les raconter à ses enfants. Capturer des instants présents revient à constituer un récit de vie, qui n’est ni tragique, ni héroïque, mais qui permet de se dire que tout ça existe encore quelque part, sur les pages d’un album photos.
Laure