Le café des parents
Une réunion thématique s’organise au service. Ni une ni deux, je saute sur l’occasion. Je propose à l’équipe de travailler sur un texte extrait de la revue L’autre qui aborde la question du lien d’attachement entre des femmes migrantes et leurs enfants en France. Nos échanges nous donnent envie d’organiser un café des parents au sein du service et ce, dans l’idée de varier les outils d’accompagnement des familles.
Rapidement, une question se pose pour les professionnels : en tant que service de la protection de l’enfance, n’est-il pas risqué d’organiser un espace de parole avec les parents dans lequel nous pourrions apprendre que les enfants subissent des violences éducatives ?
En écoutant mes collègues, je comprends qu’ils rapprochent cette question aux cultures des familles que nous accompagnons. Plusieurs questions me traversent alors : qu’est-ce qui amène les professionnels à penser de la sorte ? Par quoi sont-ils traversés lorsqu’il s’agit d’évoquer ces violences ? Les violences éducatives seraient-elles plus présentes au sein des familles migrantes ? Peut-on qualifier une violence de culturelle ?
En effet, je remarque qu’il n’est pas rare d’entendre des professionnels de la protection de l’enfance banaliser des violences faites aux enfants dans les familles d’origine étrangère, sous prétexte que ces violences n’en seraient pas. Je m’interroge : pour certains d’entre eux, une “culture” pourrait justifier de la violence physique ou psychologique sur un enfant. Mais qu’en disent les familles concernées ? Quelles sont les représentations collectives et individuelles mises en œuvre lorsque l’on aborde ce sujet avec les professionnels ?
Nos missions prévoient d’accompagner des familles dans lesquelles de la violence circule, quelle qu’elle soit et quel que soit le milieu familial. Prendre en compte la spécificité des familles venues d’ailleurs, leurs cultures, mais aussi leurs parcours migratoires et les répercussions que cela peut avoir sur leurs vies d’aujourd’hui, leurs parentalités, me semble indispensable.
De même, il est de notre responsabilité de travailleurs sociaux de penser l’accompagnement de ces familles et de favoriser la réflexion autour de ce sujet si éminemment sensible ; se décentrer, dépasser les différences culturelles et aller vers un peu plus d’altérité. Pourquoi pas autour d’un café et d’un croissant ou du partage d’une recette de petit déjeuner ? Se former à la clinique transculturelle offre d’innombrables idées pour ressentir, penser et dire le monde sous toutes ses formes. Cela permet de mettre en mots des réalités sociales et culturelles diverses, des représentations et des façons de faire variées, y compris en ce qui concerne l’art d’éduquer les enfants.
J’aspire véritablement à la construction d’une protection de l’enfance transculturelle. Peut-être le café des parents pourrait-il nous y aider ?
Anna et Julie
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