Le corps noir
En 1935, l’athèle afroaméricain Jessi Owen’s bat trois records du monde en athlétisme et en établit un nouveau. Un an plus tard, il est membre de l’équipe olympique qui participe aux JO de Berlin. Hitler part avant la cérémonie pour ne pas avoir à serrer la main d’un athlète noir. Des scientifiques décident d’étudier la morphologie de Jessi Owen’s et recherchent l’élément de triche anatomique qui expliquerait ses victoires.
Cette histoire, je la découvre avec stupeur, en regardant le documentaire Noirs en France d’Alain Mabanckou, diffusé en 2022 sur France Télévisions. Comme tant d’autres, elle donne à voir l’ampleur du racisme biologique qui prévalait à l’époque. Ce dernier soutient que l’espèce humaine est composée de “races” et que certaines catégories de personnes sont supérieures à d’autres. La “race blanche” est placée tout en haut de cette hiérarchie, et la “race noire” tout en bas.
C’est à travers l’esclavage que le corps noir a commencé à être contrôlé et mis au travail. Il est ensuite étudié, disséqué et mesuré, afin d’y attribuer certaines caractéristiques physiques et intellectuelles. Le volume crânien, par exemple, intéresse tout particulièrement les scientifiques. Le racisme d’exploitation permet ensuite de justifier la domination des corps blancs sur les corps noirs, en créant des stéréotypes maltraitants et solidement ancrés, selon lesquels les personnes noires sont inaptes aux activités intellectuelles mais peuvent endurer des travaux physiques extrêmement éprouvants.
Dans le monde du sport, le corps de “l’Homme noir” devient objet de fantasmes et de jalousie. Il est puissant mais dérangeant. Aujourd’hui, le milieu sportif perpétue ces stéréotypes positifs et négatifs. L’idée que les personnes noires courent plus vite que les autres est par exemple toujours ancrée dans les imaginaires et considérée comme l’explication de leur forte représentation dans certaines épreuves sportives, alors que les raisons sont davantage économiques et sociales. Dans le milieu très normatif de la danse classique, les corps blancs sont surreprésentés et toutes les morphologies ne sont pas acceptées.
Ces stéréotypes racistes continuent d’assigner les individus à certains secteurs d’activité en fonction de leur couleur de peau. Les personnes non blanches souffrent encore aujourd’hui de ces discriminations, qui infiltrent chaque strate de la vie quotidienne et ne laissent pas indemnes celles et ceux qui les subissent.
Jessi Owen’s a permis de faire évoluer les mentalités, il s’est battu à travers le sport contre les idées racistes et les discriminations à l’encontre des personnes non blanches. Cette lutte pour le respect des droits de chacun résonne dans le monde entier et beaucoup de grandes figures y ont contribué. Un grand nombre de citoyens d’ici et d’ailleurs portent des valeurs antiracistes de respect et de vivre ensemble. C’est avec émotion que j’observe les jeunes générations se saisir de ces questions, en s’engageant avec rage et optimisme, comme en témoigne par exemple l’internationalisation du mouvement Black Lives Matter. Après l’invisibilisation et l’exclusion, place à la fierté d’exister et l’envie de transmettre une histoire individuelle, collective et transculturelle.
Anna
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