Transculturel : Pour qui ? Comment ?
En première intention, on peut proposer une telle psychothérapie aux patients dont la symptomatologie apparaît comme une conséquence directe de la migration à court, moyen ou long terme ; aux patients qui présentent une symptomatologie codée culturellement : mise en avant d’une théorie étiologique culturelle telle que la sorcellerie, la possession… Ou lorsque le symptôme lui-même est directement codé dans sa forme même : transe, communication avec des êtres culturels… ; aux patients, enfin, qui demandent explicitement ce décentrage culturel : ils évoquent la nécessité de repasser par leur langue, de s’occuper des « choses du pays »… Ces indications concernent aussi bien les premières que les secondes générations pourvu qu’un des paramètres cités existent. Dans toutes ces indications, le dispositif transculturel est susceptible de fonctionner comme une véritable machine à fabriquer des liens entre les univers d’appartenance du patient (ici et là-bas) et pour les enfants de migrants, entre l’univers des parents et celui de l’extérieur.
En seconde intention, cas de figure le plus fréquent dans notre consultation, c’est-à-dire quand le patient a déjà bénéficié d’une autre prise en charge dans un cadre classique. On propose un dispositif transculturel aux patients qui errent d’un système occidental de soins (médecins, psychiatres, psychothérapeutes…) à un système traditionnel (consultation de guérisseurs au pays et ici) sans pouvoir faire de liens entre ces lieux et sans qu’aucun ne déclenche de véritable travail d’élaboration et de transformation de la situation. On le proposera aussi aux patients migrants en errance qui, à la suite de parcours de soins souvent chaotiques, sont exclus de fait de tout lieu de soins. Enfin, à tous ces patients qui disent ne pas être compris, parlent de malentendus ou parfois de manque de respect à leur égard. Ils arrêtent leur prise en charge ou refusent, pour la famille ou l’enfant, tout nouveau projet de soins.
Enfin, comme toute technique psychothérapique, l’ethnopsychanalyse reconnaît des limites : générales, celles de toute psychothérapie et spécifiques : non-préparation du patient et de sa famille à l’élaboration de l’altérité culturelle qui est déniée ou refoulée; patients en rupture avec leurs groupe d’appartenance ou encore, nécessité d’une élaboration individuelle de la souffrance psychique. Dans ce cas, nous proposons plutôt des thérapies individuelles classiques sachant que le maniement du matériel culturel ne peut pas être fait en individuel, il peut simplement être raconté et éclairer le récit. La première consultation doit négocier le cadre et la forme du suivi : en individuel, en groupe, avec telle ou telle manière de faire. On négocie aussi sa temporalité : toutes les semaines, tous les mois, voire tous les deux mois. La première consultation sert à définir tous ces éléments qui ne vont pas de soi et qui seront modifiés au cours du suivi.
Comment ?
Prendre en charge toutes les familles d’où qu’elles viennent, quelle que soit la langue qu’elles parlent et les manières qu’elles ont de penser la souffrance de leurs enfants. Un service transculturel est offert aux familles migrantes et leurs enfants. Il se base sur les travaux transculturels de l’Ecole de Bobigny et de Cochin qui se sont développés en France depuis une trentaine d’années. Ces consultations spécialisées sont demandées par l’équipe qui prend en charge la famille.
Nous prenons en charge les enfants et leurs familles migrantes, en seconde intention, quel que soit l’âge de l’enfant, dans la limite des places disponibles. C’est une prise en charge familiale sous forme de consultations thérapeutiques en groupe. Si besoin, la consultation peut se faire en présence d’un interprète qui parle la langue maternelle des parents.
Nous prenons aussi en charge les adolescents, mineurs isolés, qui ont besoin de soins psychologiques ou psychiatriques.
Une évaluation transculturelle est proposée par Amalini Simon (psychologue clinicienne et secrétaire de l’AIEP). Elle coordonne les demandes de consultations entre l’hôpital Avicenne et Cochin. Ainsi, elle évalue les demandes et répond de manière spécifique aux attentes des équipes et aux besoins des familles. Elle oriente selon le type de demande, le lieu, et les disponibilités.
Il faut savoir qu’en plus des consultations transculturelles de l’hôpital Avicenne et Cochin, plusieurs dispositifs transculturels ont vu le jour à Paris, Créteil, Vitry sur seine, Bordeaux, Dole, etc.
Grâce au DU de psychiatrie et compétences transculturelles (www.maisondesolenn.fr) des professionnels de divers horizons se sont formés et ont permis l’ouverture de ces dispositifs transculturels. L’AIEP soutient ces démarches afin que la psychiatrie transculturelle se développe sur le plan national et international.
Faire une demande d’évaluation par mail : demande.transculturelle@gmail.com
En savoir plus
- Journal La croix, 19 octobre 2015 « Une consultation transculturelle pour apaiser les souffrances de l’exil », publié à l’adresse : http://www.la-croix.com/Ethique/Sciences-Ethique/Sciences/Une-consultation-transculturelle-pour-apaiser-les-souffrances-de-l-exil-2015-10-19-1370262.
- A l’occasion de la journée mondiale de la langue maternelle, Marie Rose Moroétait l’invitée de France Info le 21 février 2016
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Réalisé par A.Jochum
Production : Les Films Préparons Demain