L’art d’endormir les bébés entre ici et là-bas

Antonio est un bébé métis âgé de 5 mois, petit dernier d’une fratrie de de trois garçons. Jérôme, son père, est d’origine française tandis que Luisa, sa mère, est d’origine colombienne. A l’approche de sa reprise professionnelle, Luisa est inquiète pour Antonio qui se réveille plusieurs fois par nuit et ne trouve pas son rythme de sommeil. Elle fait appel à une consultante d’origine colombienne, qui lui a été conseillée par son cercle d’amies colombiennes et représente un réel soutien malgré la distance. « En Colombie, à chaque problème sa solution. J’ai mis un mot sur WhatsApp et tout de suite, une amie m’a donné le nom de cette femme. Quel soulagement » confie-t-elle lors de nos échanges.

Pendant 21 jours, Jérôme et Luisa mettent en place des rituels très précis afin d’aider le petit Antonio à avoir un sommeil de meilleure qualité. Je suis touchée par la façon qu’a Luisa de m’expliquer comment Antonio s’adapte à ces nouveaux rituels, mais aussi comment son conjoint et elle vivent ces changements. Je questionne Luisa sur le lien entre sa démarche et l’art de s’occuper des bébés en Colombie. Elle raconte que dans les familles aisées, les enfants grandissent auprès de nounous alors que dans les familles modestes, la famille élargie dans son ensemble s’occupe des enfants. Les mères colombiennes ne se posent donc pas les mêmes questions qu’elle, puisque l’éducation est en partie assurée par d’autres femmes, dont c’est le travail pour certaines. Il est d’ailleurs fréquent que Luisa se retrouve à la table des enfants et des nounous lorsque des fêtes sont organisées dans son pays d’origine…

Luisa a quitté la Colombie à la fin de l’adolescence pour ses études. Là-bas, grand-mères, tantes et voisines s’occupent des enfants, mais ici, où s’est construite son expérience de la parentalité, elle manque de relais.

Voir grandir un enfant au sein d’un pays de migration peut représenter une fragilité pour les familles, mais pour Antonio et ses parents, il s’agit d’une expérience créative et évolutive. Pour Luisa, laisser pleurer son enfant, comme on peut le préconiser en France, lui semble par exemple impossible, de même que payer une femme pour s’occuper de lui après sa journée de travail, comme cela se fait en Colombie. Son vécu de la parentalité se trouve enrichi et métissé par sa double culture, empruntant à différentes techniques éducatives, représentations et manières de faire, notamment entre maternage proximal et maternage distal. Antonio évolue dans un environnement transculturel dans lequel ses parents créent leur propre façon d’être parents en s’appuyant sur leur histoire. Porté par des appartenances diverses, le petit Antonio s’en trouve apaisé et dort de mieux en mieux.

Anna