Mes cheveux, ma fierté
Je me rappelle étant adolescente que mes copines d’origines maghrébines et africaines me disaient souvent à quel point j’avais de la chance d’avoir les cheveux longs et lisses. Quasiment toutes utilisaient des produits hautement toxiques pour défriser leurs cheveux qu’elles percevaient comme moches et presque honteux. Une manière d’effacer une part de leur identité pour se conformer à un modèle dominant éloigné d’elles. Frantz Fanon dans Peau noire masque blanc décrit les « processus d’identification » par lesquels les jeunes antillais du fait de l’esclavage ont « adopté la culture et l’esthétique des Blancs ».
D’ailleurs, les écoles de coiffure ne forment toujours pas leurs apprentis à s’occuper de TOUS les types de cheveux mais uniquement de ceux de type caucasien. Il est également compliqué voire impossible de trouver des produits adaptés à la peau noire et aux cheveux crépus ou frisés dans les commerces généralistes. Une forme de séparatisme capillaire qui place hors de la norme les différentes formes de physique. Il faut donc se rendre dans des salons de coiffure et magasins « spécialisés » pour trouver produits et professionnels des cheveux bouclés, frisés ou crépus. Paris est pourtant une ville multiculturelle et métissée, pourquoi ce décalage ?
Les magazines de mode ainsi que les affichages publicitaires qui inondent notre environnement visuel, sont révélateurs des diktats de la beauté féminine indirectement imposés et à travers lesquels les femmes et particulièrement les jeunes femmes, construisent leur rapport aux désidératas socio-culturels d’apparence physique et ainsi à leur image du corps. Les femmes considérées comme « belles » et mises en avant sont jeunes, minces, claires de peau et ont très souvent des cheveux longs, lisses et brillants. Alors comment se construire et développer son estime de soi lorsque l’on est si peu représentée ?
Je pense à mes élèves majoritairement issues de l’immigration africaine et à la manière dont elles peuvent se construire et se percevoir dans un environnement qui ne met pas en valeur tous les types de physiques. Je les vois, 20 ans après mes amies, encore et toujours maltraiter leurs cheveux et les cacher avec des perruques ou des tissages tant les vexations et le poids du modèle dominant sont encore présents.
Le mouvement Nappy – contraction de Natural and happy – est né à Brooklyn avec l’émergence d’une bourgeoisie noire, où les femmes revendiquent leur chevelure naturelle. Le cheveu revêt une dimension politique, d’affirmation et de fierté d’être noire dans la continuité du mouvement black is beautiful. Rockya Diallo dans l’ouvrage Afro, dresse le portrait d’une centaine de femmes françaises assumant leurs cheveux qui refusent de se conformer au modèle dominant : un espoir pour qu’une partie de la jeunesse française puisse s’identifier.
Anissa
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