L’enfant, la langue maternelle, le français et l’école

Je travaille au sein d’un Programme de Réussite Éducative (PRE), auprès d’enfants âgés de 5 à 16 ans, vivant dans les quartiers populaires. La semaine dernière, une de mes collègues nous a présenté en réunion d’équipe une nouvelle situation pour laquelle l’école l’avait sollicitée : une petite fille de 7 ans, née en France, de parents venus d’ailleurs. Cette petite fille rencontrait des difficultés scolaires, notamment dans l’acquisition du français, avec un manque de vocabulaire important et des freins à l’entrée dans la lecture et l’écriture. Au sein de notre service, nous sommes très régulièrement sollicités pour intervenir auprès d’enfants rencontrant ce type de difficultés. 

Pour un grand nombre d’enfants de migrants, la première langue entendue et parlée est celle du pays d’origine des parents, la langue du dedans, de la maison. Le français, la langue du dehors, est donc une langue apprise au moment de l’entrée dans la collectivité (crèche, halte garderie, écoles…). Mais pour certains de ces enfants, l’acquisition du français pose des difficultés, allant d’un simple retard dans l’acquisition du langage jusqu’à des troubles du langage beaucoup plus importants, rendant parfois nécessaires des orientations spécialisées.

Quand j’ai entendu ma collègue présenter la situation, cela m’a renvoyé 13 ans en arrière, quand j’ai commencé à travailler, en 2008. En effet, dès le début de ma prise de poste, j’ai accompagné des enfants qui rencontraient ce genre de difficultés. Certains souffraient de mutisme extra-familial, d’autres rencontraient de grandes difficultés dans l’apprentissage du français. Ce qui m’a toujours surprise, dès cette époque, ce sont les réactions des professionnels face à ces difficultés. 

Parfois il s’agit de remarques faites aux parents : « Vous devez leur parler français le plus possible à la maison ».

« Si vous mettez la télé, mettez des chaînes françaises, ils doivent entendre le plus possible le français ». 

Ou bien il s’agit de commentaires qui m’ont été directement adressés : 

« Je ne comprends pas pourquoi l’enfant n’est pas bilingue. Moi [c’est une enseignante qui parle], mes voisins sont anglais et les enfants n’ont absolument pas de problèmes à apprendre le français ». 

Toutes ces remarques témoignent bien sûr d’une maladresse, mais surtout d’une profonde méconnaissance de ce que ces enfants vivent, expérimentent et se retrouvent à devoir inventer. 

Bien que la prise en charge des difficultés liées à l’acquisition de la langue de scolarisation soit complexe, la reconnaissance et la valorisation des langues maternelles est l’un des premiers leviers à mobiliser. Il est aussi, paradoxalement, relativement simple à appliquer dans nos différents métiers. 

L’approche transculturelle « se fonde sur le postulat qu’il est nécessaire, pour comprendre et accompagner efficacement les familles [ndlr : d’horizons culturels différents] de prendre en compte leur(s) langue(s) maternelles(s), leurs affiliations culturelles, mais aussi leur expérience migratoire et leurs métissages ». Il s’agit d’une approche sur laquelle tout professionnel, quel qu’il soit, peut s’appuyer au quotidien dans son travail auprès des familles venues d’ailleurs.

Se former à cette approche signifie participer à la construction de ponts entre le monde linguistique et langagier du dedans et du dehors, participant ainsi à l’épanouissement, au bien-être et à la réussite de tout enfant né ici de parents venus d’ailleurs.

Julie

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