Je suis métisse
N’est-ce qu’un mélange de couleur ?
Cela fait un moment que j’ai envie d’écrire sur le sujet. Alors pour me lancer, j’ai tapé « métis » sur un moteur de recherche… La première définition proposée est celle du dictionnaire Le Robert : « Métis, adjectif et nom – Personne – Dont les parents sont de couleurs de peau différente ». Hummm, plutôt réducteur comme définition, n’est-ce pas ? Néanmoins, il est vrai que lorsque l’on m’interpelle à ce sujet, « Tu es métisse ? C’est quoi tes origines ? », je réponds assez souvent de manière automatique : « Oui, mon père est malien et ma mère est française ». La plupart du temps, la discussion s’arrête là. Rares sont les personnes qui m’interrogent ensuite sur l’aspect culturel de mon métissage. Au-delà de la couleur de peau, qu’est ce que cela signifie, être métisse ? Quelle identité construit-on à travers le métissage ?
Dans mon quotidien professionnel auprès de mineurs étrangers, j’ai accompagné un jeune camerounais devenu papa en France suite à son union avec une jeune française. Il s’est beaucoup questionné autour de l’éducation, des valeurs et des attaches culturelles qu’il allait pouvoir transmettre à son enfant. Les premiers débats ont commencé autour du choix du prénom. Il me disait vouloir choisir un prénom français afin, selon lui, de ne pas porter préjudice à son fils qui « sera déjà métis ». Il était fier de son enfant et de ce métissage, mais il s’inquiétait de l’avenir que la société réserverait à son fils. J’ai beaucoup travaillé avec ce jeune papa sur ce qu’il avait envie de transmettre de sa culture et de son pays, au-delà des pressions sociétales. Il percevait un tel écart entre la culture camerounaise et la culture française qu’il ne voyait pas comment son enfant allait pouvoir grandir en tenant compte de sa culture paternelle. Il se disait qu’il porterait un peu de sa couleur, et qu’il devait se satisfaire de ça. Nous avons longuement échangé sur le métissage, qui n’est pas qu’une histoire de couleur de peau. Au bout d’un moment, j’ai vu que quelque chose avait changé, puisqu’il a commencé à s’adresser à son fils en douala, sa langue maternelle. Petit à petit, nos discussions ont permis à ce papa d’envisager que son fils pourra créer lui-même des ponts entre la culture d’ici et celle de là-bas.
Marie Rose MORO propose le concept de « métissage culturel » qui permet d’analyser cette situation. Selon ses propos, « la définition du métissage s’éloigne de son acceptation biologique ou naturaliste, dépassant la question de la couleur de peau pour englober de façon plus large le processus par lequel les identités culturelles des individus se mélangent les unes aux autres. »
C’est cette définition du métissage que je souhaite porter. Je chemine moi aussi en écrivant ces quelques lignes. J’attends désormais avec impatience le moment où quelqu’un me posera la question : « Tu es métisse ? ».
Aïssa