Projet «Musique noire»

Enfants d’ici, venus d’ailleurs

Il paraît que les temps sont durs pour faire de nouvelles rencontres, crise sanitaire oblige…

…Et pourtant. Durant le confinement, j’ai découvert un univers où la rencontre avec l’autre est possible : les réseaux sociaux. Oui, bon, c’est vrai, je connaissais déjà… Mais comme beaucoup d’entre vous, je suis devenue une utilisatrice abusive de ce type de supports durant ces 8 semaines de confinement. Cependant, cela n’a pas eu que des aspects négatifs ! En effet, on a beau dénigrer le côté artificiel et insipide des réseaux sociaux, on ne peut pas leur retirer un des avantages inestimables qu’ils apportent depuis un an : rester connectés les un.es aux autres. Et je ne parle pas là de connexion Internet, mais d’une réelle connexion aux gens, le genre de connexion qui permet les belles rencontres.

C’est grâce à ces réseaux sociaux que j’ai découvert l’artiste Edgar Sekloka et son projet musical « Musique Noire ». Né en France de père béninois et de mère camerounaise, l’artiste nous propose un recueil de chansons qui fait un parallèle entre l’esclavage et l’aliénation moderne, tissant ainsi des ponts entre le passé et le présent. Cela a très vite fait écho en moi par rapport à un sujet qui me tient à cœur : les transmissions transgénérationnelles que l’on observe dans les familles, ici et ailleurs, celles d’ici venues d’ailleurs également. Parfois, certains enfants éprouvent le besoin de relire le roman familial avec un autre regard, pour réécrire leur histoire. La question de la transmission est d’autant plus importante à interroger quand elle concerne des personnes venues d’ailleurs, l’expérience de la migration provoquant parfois une rupture avec l’histoire familiale.

Dans une vidéo où il présente « Vertement », une de ses chansons phares – une forme d’hommage aux migrants qui affrontent les dangers de l’exil – Edgar Sekloka parle de cet héritage : « Vertement est un morceau escalier (…) qui parle de l’exil, parce que je suis fils d’exilé ; qui relit mon ici et mon là-bas ». Pour parler de cette chanson, l’artiste a décidé d’être filmé dans l’escalier qui mène à l’appartement de son enfance : « Ces quelques marches symbolisent le lien que j’entretiens avec mon identité noire, camerounaise et ma réalité blanche, française ; ma timidité, mon exubérance ; ma pudeur et mon expression artistique ». Avec ces quelques mots, l’artiste illustre bien la pensée théorique de Marie Rose Moro, qui a beaucoup écrit sur les « enfants d’ici venus d’ailleurs » et l’importance pour eux de pouvoir construire une identité plurielle entre le « ici » et le « là-bas », le « dedans » et le « dehors ».

En clinique transculturelle, on entend souvent parler de métissage et de créativité pour transcender une histoire pas toujours facile, empreinte de douleurs et parfois de traumas. Edgar Sekloka, avec ses mots et sa musique arc-en-ciel, nous prouve combien une société transculturelle, forte de ses métissages, est possible et même nécessaire. Son œuvre touche car elle vient nous parler d’un héritage commun mais hélas, pas toujours conscient…

Julie

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