Le grand jour

M’y voilà, je vais participer à ma première consultation transculturelle avec l’équipe de la Consultation Ressource en Clinique Transculturelle de Nantes ! Nous sommes le 10 Mai, il est 13h55. J’entre dans la salle et je vous y emmène avec moi… 

On m’invite à une place. Les chaises sont disposées en cercle, la place de chacun est prévue et déterminée à l’avance. Après un temps d’accueil, le groupe fait une présentation de la situation clinique et trace les axes à reprendre ou à développer avec la famille. 

Les rôles aussi sont parfaitement définis. Une thérapeute principale est l’animatrice de la séance et est assise au plus près des chaises destinées à la famille. Dans le cercle il y a les co-thérapeutes, aux origines, parcours et fonctions diverses et variées (psychologue en institution, pédopsychiatre… ). 

Il doit aussi y avoir l’interprète (absent de dernière minute ce jour-là). 

Moi, stagiaire, je suis assise à côté d’un interne en médecine venu aussi « en observation » ce jour-là. Ça me rassure d’ailleurs de voir que je ne suis pas la seule non-initiées. 

La co-thérapeute référente va chercher la famille et l’équipe de première intention qui l’accompagne. Aujourd’hui il s’agit de la psychologue qui suit un des enfants. La famille entre, tout le monde se lève pour l’accueillir. J’ai une petite palpitation… je suis impressionnée et je me sens complètement portée par le groupe. Je me demande, en miroir,  ce que ressent cette famille en entrant dans la salle. 

C’est parti, la thérapeute principale présente les présents et excuse les absents. Elle demande des nouvelles de la famille. L’échange est lancé. Il se produit tout d’abord uniquement entre la thérapeute principale et la famille. Elle interpelle les différents membres, les parents tout comme les enfants. Au bout d’un certain temps, elle se tourne vers le groupe et va chercher l’avis des co-thérapeutes… Chacun s’exprime, jamais directement à la famille mais en s’adressant à la thérapeute principale qui reformule auprès de la famille et lui demande si elle se retrouve dans ce qui est dit.  

C’est incroyable ! Je ne sais même pas comment formuler ce que je vis ici… On chemine avec la famille et on voit comment elle se met au travail. Le groupe (ses membres, ainsi que les règles du cadre) soutient et accompagne la famille dans le tissage des liens entre la vie au pays, les appartenances culturelles, religieuses, les pratiques traditionnelles et la vie ici en France. Dans ce dispositif, la famille est portée par et vers une dynamique de métissage créatif et rassurant.  

Marie Rose Moro est la pionnière de la consultation transculturelle pour les enfants de migrants et leur famille. Ce dispositif de groupe est aujourd’hui répandu dans plusieurs villes de France et d’ailleurs. Sa pensée aura guidé mes travaux dans le cadre de mon diplôme d’éducatrice et continue de m’accompagner dans ma pratique au quotidien.  

C’est pour moi, ce matin, un véritable rite d’initiation qui s’achève. J’en sors habitée par un sentiment d’autant plus renforcé : l’envie que ces groupes transculturels, leur cadre à géométrie variable, leur force créatrice, puissent exister pour toutes les équipes qui, dans le monde, accueillent et soutiennent le métissage des enfants d’ici venus d’ailleurs. 

Aïssa

À voir : « J’ai rêvé d’une grande étendue d’eau »

À lire : Manuel de psychiatrie transculturelle

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