Lire dans un souffle
D’aucun diront que la cuisine est LE pilier d’une culture. Selon moi, il faut plusieurs piliers pour que les racines soient solides et la langue en est un autre, tout aussi important. Je me suis toujours nourrie des expressions, des patois, de ces petits mots qui font le quotidien.
Dans chacune de mes expériences professionnelles, j’ai eu l’occasion d’échanger sur les expressions, les mots, la langue, sur ce qu’ils signifient, ce que je comprends, ce que je reconnais.
Aussi, donnant des cours de français en CADA (Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile), j’ai vu des résidents prendre mon tic verbal : « ça marche ! ». Malgré moi, je le prononce et c’est en travaillant auprès d’allophones apprenant le français que je m’en suis rendue compte. Aussi, nous concluions nos entretiens par un « ça marche !». J’étais mal à l’aise de cela, me disant que je ne leur apprenais pas le « bon français », et pourtant. C’est une expression qui fait partie du langage courant, bien qu’elle en agace certains. Alors je me suis mise à l’expliquer. Cette appropriation permet peut-être d’entrer dans une autre forme de communication, de rendre plus fluide la langue qui pourrait être du “mot à mot”.
Je fais le parallèle avec les expressions que je me suis moi-même approprié. Si on me remercie, j’utilise “ bienvenue !” plutôt que “de rien” comme réponse. Je l’ai découvert sur mon chemin et cela me semble plus approprié. Plutôt que de dénier le partage, je souligne le plaisir que cela a été pour moi de faire ensemble.
Il y a : « j’ai ta nostalgie » rapportée par un mauritanien d’un séjour à Abidjan. Sa manière de l’utiliser illustre bien la douceur de la nostalgie, le manque de l’autre et le lien.
Il y en a bien d’autres. Dans chaque région de France, dans chaque langue du monde, chacun d’entre vous pourra en trouver.
Pour notre groupe, il y a « lire dans un souffle ». Notre superviseure, avec tout son enthousiasme et sa ferveur italienne, a francisé pour nous cette expression. Nous échangeons nos écrits avant d’envisager de les publier. J’attends à chaque lecture de lire dans un souffle, d’avaler les mots, de les éprouver et de ressentir cette évidence. J’aime retrouver les métaphores de l’une, les références de l’autre, le cœur que chacune de nous met dans son écrit pour le “lire dans un souffle”.
C’est aussi par l’appropriation des mots, des expressions que se crée le pont transculturel. Il est une des bases du métissage, facteur de la compréhension de l’autre et de soi-même.
Delphine
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