Fire challenge is the new fourmi féroce

Qui n’a jamais été interloqué par les divers défis et challenges qui se répandent à une vitesse fulgurante sur les réseaux sociaux ? Si certains sont plutôt bon enfant, d’autres peuvent mettre en péril la vie de celui ou celle qui s’y risque. Parmi les défis les plus connus, on pense tout de suite à la Neknomination, qui consiste à se filmer en train de boire une grande quantité d’alcool puis à inviter quelqu’un d’autre à en faire autant. Ou encore au Fire Challenge, dans lequel la personne doit s’enduire le corps de combustible, y mettre le feu puis tenter de l’éteindre avec les moyens du bord… En 2018, un jeune américain qui s’était essayé au Fire Challenge, avait été interrogé en direct de son lit d’hôpital. Encore en convalescence, il estimait que le jeu en valait bien la chandelle ! Mais alors, de quel en-jeu parlons-nous ?

On pense bien sûr, en parallèle, à divers rites initiatiques, qui ont toujours cours dans certaines sociétés et servent de passerelle, d’acte fondateur, entre l’enfance et l’âge adulte. Frazer décrit par exemple chez les Mauhes du Tabajo comment les garçons de 8 à 10 ans doivent enfiler des manches fourrées de fourmis féroces jusqu’à s’évanouir pendant que les hommes dansent autour d’eux en guise de soutien. Après avoir été soignés par les femmes, les jeunes garçons doivent bander un arc et exhiber les traces de cet acte. Et ce rite sera répété jusqu’à ce qu’ils puissent l’endurer stoïquement. Alors seulement, les jeunes garçons seront hommes aux yeux de la communauté.

Charles Melman nous indique ceci : « c’est à la suite de l’acte que son auteur se retrouve comme un sujet, c’est-à-dire de façon parfaitement rétroactive, après-coup : il n’était pas là avant ». 

Fourmis ou pas, ça serait donc l’acte initiatique qui subjectivise, humanise et autorise l’homme à devenir adulte ? 

Melman souligne aussi qu’aujourd’hui, dans nos sociétés où les repères symboliques sont en pleine transformation, « le jeune n’endosse justement [pas] la responsabilité prise en son for intérieur : il est tout seul, il ne peut demander l’avis de personne sur la responsabilité de se reconnaître ». Ainsi vivent certains enfants trentenaires ou quarantenaires, qui ne savent ni où prendre appui pour s’intégrer à un ensemble social, ni au regard de qui et par quel moyen être reconnus comme hommes ou comme femmes. Les actes se répètent et se ressemblent – l’addiction en est un bon exemple – mais jamais ils ne permettent de s’affranchir des jouissances transgressives de l’enfance et de l’adolescence pour prendre la route d’un possible bonheur adulte. 

Je repense aux défis lancés sur les réseaux sociaux, je m’interroge sur leurs multiples fonctions. Probablement qu’ils apparaissent pour certains jeunes comme le seul lieu apte à leur accorder une place, à leur fournir un support de reconnaissance ? C’est en prenant en compte cette dynamique et en proposant une alternative aux adolescents en quête d’identité que nous pourrions, peut-être, inventer avec eux les fondements sociaux de demain.

Eléonore

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *