Se confier dans un bonjour, ou confier son bonjour à l’école.
Bonjour, salam, merhaba, m’bote, kwezi… c’est un vendredi matin à l’école et comme chaque semaine, un groupe de mamans partage un café dans le hall de la maternelle. Les bonjours de chacune s’affichent sur le mur autour de la carte du monde. C’est un projet que l’on a construit ensemble, petit à petit, et qui a permis de se découvrir, de se confier, de créer des liens. Dans le lieu de l’école, où la réussite passe par la maîtrise de la langue française, pouvoir partager sa langue et parler du quotidien de ses échanges avec ses enfants sont des actes importants. À travers ce projet transculturel, l’école affiche sa volonté de reconnaître la valeur de chaque langue et l’importance de sa transmission dans les histoires, les constructions personnelles et familiales. Pour nous, enseignants, la découverte a été de taille. Bien sûr nous « savions » que certaines familles ne « parlaient pas » la langue française à la maison, qu’il y avait des familles dans lesquelles on parlait, turc, arabe ou russe…. Mais nous n’avions pas anticipé une telle richesse ! Ce premier échange a été l’occasion pour nous d’apprendre, de découvrir, de partager. A l’école se côtoient quelque 170 familles. Nous savons désormais qu’on peut y parler plus de quarante langues dont certaines nous étaient inconnues jusqu’alors… Ici, nous prenons d’abord le temps de nous écouter… D’aucunes trouvent que les sonorités du roumain sont jolies, que le khmer semble impossible à prononcer, d’autres partagent qu’elles ont dû apprendre le russe à l’école… Une autre maman confie qu’elle n’a pas parlé sa langue, le kinyarwanda, depuis son départ du Rwanda et qu’elle regrette aujourd’hui de ne pas l’avoir transmise à ses enfants… moment intense, les cœurs se serrent, les yeux brillent, nous sommes ensemble.
Aujourd’hui encore, chaque famille peut compléter la collection pour l’enrichir. Depuis maintenant quatre ans, les interventions des parents nous démontrent qu’il s’agit là de quelque chose d’important. Lors de l’inscription de leur enfant, les nouvelles familles évoquent le fait d’avoir « vu » ou non « leur bonjour ». C’est l’occasion d’engager un dialogue autour de leur histoire et de la place de la langue avec leur enfant. Les familles demandent à compléter cette collection quand elles arrivent à l’école ou parfois beaucoup plus tard, au moment où elles se sentent assez en confiance pour « dire » leur langue à l’école. Confier à l’école la langue de la maison… un premier pas vers l’alliance éducative.
Fabienne
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