Filiations, Affiliations, Adoptions…
13e colloque de la revue transculturelle L’autre
2 et 3 décembre 2011, Hôpitaux Universitaires de Genève, Auditoire Marcel Jenny Organisé en collaboration avec le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des HUG
Au cours de l’histoire et partout dans le monde, l’homme s’est toujours préoccupé de définir, autour de lui, un groupe d’appartenance selon des critères qui l’affilient à « son » groupe et qui le différencient des « autres ». Qu’il s’agisse d’appartenir à une famille, à un groupe social, ou de considérer l’autre comme faisant partie « des siens », les critères d’appartenance, d’inclusion ou d’exclusion, sont d’une variété infinie. S’ils peuvent être plus ou moins contraignants, ils sont néanmoins indispensables aux processus d’identification comme à la consistance narcissique du petit d’homme. Il semble, en effet, vital pour l’homme de s’adosser à du familier, quitte à le créer, pour ensuite y adhérer ou s’en détourner. Les modèles familiaux, par exemple, évoluent en fonction des époques et des cultures. De même, les affiliations culturelles sont transformées par les mouvements migratoires et le brassage des populations. Les bouleversements du monde actuel imposent un « travail » d’affiliation, de découverte de nouvelles familiarités, pour dégager de nouveaux supports identificatoires. Ce travail, s’il est suffisamment abouti, débouche sur des appartenances raisonnablement consistantes et ouvertes à l’altérité. Dans le cas contraire, le risque est celui de dangereuses radicalisations des modèles culturels, voire de dérives intégristes. Le colloque international de L’autre vous propose d’explorer cette quête du sentiment d’appartenance et ses avatars, quelles que soient ses modalités concrètes d’application. Il vous propose, à partir du paradigme de l’adoption, d’étudier les différents modèles de filiation biologique, relationnelle, culturelle, idéologique… et d’interroger l’évolution des processus d’identification face aux bouleversements des constellations parentales et culturelles. L’ethnopsychanalyse, par la complémentarité des regards qu’elle offre, permet d’approcher les préoccupations humaines au-delà des différences et d’analyser les paramètres environnementaux qui participent à la construction de l’humain, d’où qu’il vienne. Elle nous aide aussi à construire la clinique de demain, celle de la complexité identitaire.
Edtion du Colloque sur Anthropoweb.com, le Portail des sciences humaines
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Françoise Sironi (Psychologue, Maître de conférence, Paris 8) : « Les métis culturels, un paradigme identitaire contemporain »
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Christian Lachal (Pédopsychiatre, Psychanalyste, Clermont-Ferranf) : « Familles dans la tourmente : Gaza, Freetown, Banda Aceh »
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Table ronde avec les trois conférenciers autour des « Cultures, parentés, identités », Discutante : Claire Mestre
Odile Lecerf : « Regard croisé mère-fille ou comment une rencontre devient une histoire d’amour »
Nino Rizzo : « Destins de l’abandon »
Laura Sarfaty : « Serge et sa mère adoptive : d’un roman à l’autre »
Daria Michel-Scotti : « Le masque, entre soi et l’autre : accompagner les personnes adoptées à Espace adoption, de l’individu au collectif »
Paola Porcelli : « Fosterage et résilience : trajectoires psychologiques des jeunes adoptés selon des pratiques « traditionnelles » en milieu bambara (Mali) »
Hélène Romano : « Adoption internationale en contexte de catastrophe naturelle »
Saskia Walentowitz : « Nouvelles parentalités en contextes musulmans ? Enfants sans parage, légitimité et continuité transgénérationnelle du nasab »
Qu’en est-t-il des « nouvelles parentalités » en contextes de jurisprudence islamique, où la légitimité du mariage reste la pierre angulaire de la transmission (paternelle) des patronymes et de la continuité transgénérationnelle du nasab ? Quid des réformes relatives à l’adoption simple et plénière dans les situations contemporaines, où la conjugaison entre violences collectives et prééminence du lien agnatique privent de nasab un nombre vertigineux d’enfants?
Dans cet exposé, nous allons expliciter l’ontologie du nasab qui n’est pas synonyme de « filiation » au sens anthropologique classique ou contemporain du terme. L’hypothèse est que le nasab constitue un réseau de parenté ouvert, fondé sur le rapport de germanité (frère-frère ou frère-sœur selon les contextes). Il est le résultat réitéré de dynamiques transgénérationnelles d’alliances, combinant des mariages par permutation entre fratries dans la proximité et dans la distance généalogiques. En raison du caractère transgénérationnel de ces dynamiques, qui créent et recréent rétrospectivement l’origine comme point d’aboutissement, il n’y a point de nasab sans légitimité (paternelle) et vice versa. Ce constat permet de mieux comprendre les limites des réformes juridiques actuelles relatives au statut personnel, et notamment à l’adoption plénière interdite en islam. Les réformes soient respectent cet interdit et n’interviennent néanmoins que sur le plan intergénérationnel (en acceptant la transmission du nom par la mère, par exemple), soit créent une double normativité juridique ou accepte la création d’un nasab parallèle. Cependant ce dernier cas ne garantit pas l’intégration sociale de l’enfant dans un réseau transgénérationnel ou « parage » à cause de la prééminence culturelle du lien agnatique.
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Jean-Baptiste Loubeyre : « Défiliation »
Le concept vient de la politique et interroge les logiques de la transmission dans ce champ. La pertinence clinique de la défiliation apparaît dans le cas d’un très jeune enfant dont l’histoire se compose des attentes de trois pères. La justice doit définir les droits respectifs du père biologique, du père qui a reconnu et donné nom et inscrit dans sa famille, et du père, conjoint actuel de la mère, qui élève l’enfant. Un premier jugement « défilie » l’enfant pour le réaffilier.
Au-delà des aspects juridiques, la clinique nous amène à prendre en compte les dynamiques des « parentés labiles » que nous voyons dans les liaisons/déliaisons de la recomposition familiale et dans l’insécurité essentielle de la figure parentale que cela peut entraîner. De nouvelles formes de parenté émergent. Parentés classificatoires, variables d’une famille à l’autre, et même d’un côté de la famille à l’autre. Parentés assises sur le dédoublement des figures parentales et des lignages. Parentés maintenues en parallèle dans le cadre de certaines adoptions internationales. Le clinicien devient l’ethnographe du flou sociologique qu’il doit différencier de la confusion pathologique.
Betty Guoguikian Ratcliff, Fabienne Borel, Francesca Suardi : « Devenir mère en terre étrangère : préparation à l’accouchement en contexte interculturel »
La mise en place d’un programme de prévention sous la forme d’un groupe multiculturel de préparation à l’accouchement, animé par une sage-femme et des interprètes communautaires, sera décrite. L’insertion de ce programme dans le tissu socio-sanitaire genevois depuis 2006 sera discutée ; le bilan des cinq premières années de fonctionnement et les perspectives d’avenir du programme seront établis.
Dominique Laufer, Véronique Mauron : « Fabrication de nouveaux modèles identificatoires dans la procréation médicalement assistée »
Anne Cadoret : « Homoparentalité et affiliation »
Ariane Giacobino : « Construitre ou déconstruire une identité génétique »
La génétique et les développements technologiques d’analyse du génome humain, de ses variations, donnent à l’individu un accès possible à sa propre identité biologique, à celle de ses ascendants, descendants et de son appartenance à un groupe ethnique. Tracer sa filiation, son origine, son passé et décoder son futur ? Les données génétiques peuvent aussi être comprises comme peu de choses en comparaison de l’acquisition que chacun fait de son identité, de par la marque de l’environnement sur ce qu’il est. L’épigénétique, ou les modulations du génome par l’environnement, tant en termes d’interactions interindividuelles, que de mode ou lieu de vie, nous démontrent que notre système biologique est infiniment plus complexe qu’un code-barre d’ADN. Les inscriptions épigénétiques permettent également une transmission transgénérationelle de ces influences environnementales. Cela offre une liberté immense pour l’intégration biologique de l’acquis, du nouveau, et heureusement de l’imprédictible, dans notre identité génétique et notre évolution.
Discussions sur les « Nouvelles parentalités » animées par Pénélope Clinton et Christian Ghasarian
Mohamad Benamar : « Diversités culturelles et intégrations »
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Théogène-Octave Gakuba : « Jeunes Suisses d’origine africaine : identités, apparetnances culturelles et nationales »
Amel Dehane : « Les marquages corporels chez l’adolescent : modernité ou quête identitaire ? »
Les marquages corporels sont des pratiques ancestrales, qui s’insèrent dans des formes contemporaines d’inscription corporelle, tout en traduisant une reprise de traditions populaires ou marginales. Mais il importe de constater ici que ces marquages corporels qui étaient très en vogue au niveau de notre société traditionnelle ont sensiblement régressé avec le temps surtout au niveau des grands tissus urbains sous l’effet bien sûr des mutations à caractère culturel, éducatif et économique vécues par la société algérienne. D’ailleurs, on n’a pas hésité à penser à un moment donné qu’ils vont un jour disparaitre et à jamais du paysage ou du champ culturel et anthropologique national. Mais contrairement à toute attente, nous avons récemment relevé l’existence d’un regain d’intérêt pour ne pas dire la présence d’un engouement extraordinaire de nos jeunes adolescents pour ces pratiques ancestrales. Comment interpréter ces comportements dans notre société, où le corps devient de plus en plus une matière à bricoler selon l’ambiance du moment ?
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Houda Bouzidi : « Le viol en Algérie, une affaire de l’autre »
La psychiatrie d’antan avait tendance à s’intéresser uniquement à la question du traumatisme sans prendre en considération le rapport qu’il pourrait entretenir avec la culture dans tous ses sens. Aujourd’hui, la culture occupe une place prépondérante au sein de la psychiatrie, surtout dans ses rapports aux différents traumatismes psychiques. Ferenczi fut le premier à s’intéresser au trauma collectif. Il nous explique comment l’entourage peut aggraver le trauma quant il y a non-reconnaissance de sa part. Les travaux de René Kaës envisagent, en effet, l’espace psychique comme une métaphore de l’espace collectif, et de la culture. À cet égard, le cataclysme social correspond à un effondrement de la culture en tant que support à la vie psychique. Dans ce travail, nous montrerons l’influence de la culture sur le trauma de viol et nous prendrons le cas de femmes algériennes violées. Nous aborderons donc la question du trauma et son rapport avec la culture. La culture, comme un système de valeurs, nous tenterons de l’analyser, de rentrer dans l’imaginaire de cette société, de ce groupe social, qui constitue un système centré sur la croyance partagée en des valeurs communes. Nous monterons ainsi, l’influence de ces valeurs et traditions sociales sur le processus d’intégration du traumatisme. Nous mettrons l’accent sur un des aspects de système de représentation traditionnel de la fille algérienne, système de représentations qui reste étroitement associé à l’idée de la femme tabou, la femme impure, qui demeure principalement source d’impureté parce qu’elle est susceptible de provoquer le « haram » (l’interdit, le pêché ou le tabou). En effet, dans la culture algérienne, le viol touche toute la famille de la victime, il détruit toute la constellation de la famille. C’est l’honneur, la virilité et la dignité du père, du mari, du frère, et même du cousin qui sont ébranlés. Dans les familles algériennes, le viol est une affaire d’altérité. Comment faire face au regard de l’autre ? Mots clés : Culture, trauma, viol, fille algérienne.
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Javier Sanchis : « Processus d’émancipation chez les jeunes migrants de deuxième génération »
Les enjeux psychologiques, en lien avec l’appartenance d’origine et la migration, loin de s’arrêter aux premières générations, se poursuivent, sous des formes particulières, chez ceux que l’on nomme désormais les « migrants de deuxième génération ». Le processus d’émancipation de ces jeunes est complexifié par leurs appartenances « double », entre la culture d’origine des parents et la culture du pays d’accueil. L’émancipation est alors souvent vécue comme une rupture, une séparation irréparable, d’avec leurs liens culturels et familiaux, rupture qui se prolonge jusqu’aux processus identitaires les plus inconscients. C’est lors de mises en échecs de ces processus d’émancipation que nous sommes appelés à rencontrer ces jeunes et leur famille, en raison d’une grande détresse psychologique, parfois après un geste suicidaire. Notre service de crise propose des traitements d’orientation psychanalytique ambulatoires intensifs, limités dans le temps, au cours desquels nous tentons de relancer les processus d’affiliation et, par là, la multiplicité des processus identitaires. Il s’agit ainsi d’accompagner le jeune migrant dans un double processus d’émancipation, d’une part celui de sa famille et du monde des adultes et, d’autre part, celui de ses appartenances culturelles, afin de lui ouvrir la voie vers une singularité métissée.
Philippe Klein, Irene de Santa Ana : « Prises en charge psychothérapeutiques de mineurs migrants non-accompagnés »
Comme une grande partie des migrants, les adolescents mineurs non accompagnés peinent à dialoguer avec les représentations qui appartiennent à leurs origines. Comme tout adolescent, ces jeunes sont confrontés à la tâche nécessaire de leur autonomisation et différenciation alors que, dans leur cas, les mondes culturel, social et familial sur lesquels cette tâche s’étaye et se confronte font défaut. L’adolescent mineur non accompagné est donc, de par sa spécificité, une population à risque. Sa prise en charge psychothérapeutique doit donc veiller à l’émergence et à la remobilisation des représentations liées à ses origines en lien avec les représentations d’aujourd’hui. Ce travail s’étaye sur la contenance de l’environnement psycho-social actuel à laquelle il est indispensable de veiller.
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Alice Titia Rizzi : « Le génogramme transculturel : les filiations qui viennent d’ailleurs dans le métissage des familles migrantes »
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Amalini Simon : « Une transmission au-delà des mots : parcours langagier des enfants tamouls au Sri-Lanka »
Nicolas Renaud : « L’activité en ergothérapie, une manière de tisser un lien »
L’activité en ergothérapie, une manière de tisser un lien entre des objets, des activités, des individus et des cultures. La matière première utilisée pour réaliser un objet ou une activité concrète est par principe inerte et sans connotation culturelle. Elle se marque par contre d’une empreinte culturelle dès que la personne façonne cette matière. Durant la construction d’un objet, les gestes ainsi que les pensées vont être en lien avec l’histoire et la culture de l’individu. La thérapie se déroule ainsi dans une transition entre cette histoire, cette culture individuelle et une réalité propre à la matière première dans l’ici et le maintenant. L’activité ergothérapeutique peut-elle avoir un rôle de médiateur entre deux cultures ?
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Danièle Pierre: « Rêves et pensées traditionnelles : Rencontre des théories, théorie d’une possible rencontre entre deux mondes »
La rencontre de théories culturelles différentes concernant les rêves nous amène à repenser nos propres théories, en référence à la psychanalyse freudienne. Ainsi, dans l’histoire de Soukaïna – adolescente d’origine marocaine, adoptée à la naissance par un couple belgo-marocain sans enfant – les étiologies traditionnelles, l’interprétation des rêves et toute la vision du monde de la culture traditionnelle marocaine, vont offrir une « matrice de sens » (selon l’expression de MR Moro) pour reconstruire une relation mère-fille plus apaisée.
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Cédric Petiau : « Viva valeque Katoucha »
Richard Simon, Oriane Bouchardy : « Les ‘requérants d’asile psychiatriques’ : quand la réalité socio-administrative influence nos modèles théorico-cliniques »
La rencontre avec la « différence » est inhérente à toute intervention clinique. La différence liée au contexte de vie socio-administratif de nos patients requérants d’asile vient impacter, souvent avec violence, nos repères cliniques et notre vécu contre-transférentiel. Avec ces patients nous sommes confrontés à toute une gamme de situations paradoxales qui nécessitent une adaptation de nos modèles théorico-cliniques et de nos dispositifs de soins psychiques. Cette adaptation est primordiale afin de permettre une prise en compte de cette réalité sans pour autant réduire le patient à celle-ci.
Discussions autour des « Affiliations théoriques en ethnopsychiatrie », animées par Michal Fischer et Gabriela Guzman
Descente au Paradis en présence du réalisateur Israel Feferman
Nathalie Zilkha (Psychiatre, Psychanalyste SSPsa, Genève) : « Filiation et affiliation : complexité d’une articulation »
Le travail de filiation et le travail d’affiliation sont d’une certaine manière indissociables. Leur articulation, toujours en mouvement, est complexe, régulée par des contraintes multiples. Comment alors trouver une issue subjective ? L’historicisation subjective dans la filiation et l’affiliation, le traitement d’une expérience de désaffiliation, et l’entrelacs entre l’histoire singulière et l’histoire du monde seront approchés à travers trois œuvres littéraires.
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Marika Moïsseeff (Psychiatre, Ethnologue, Chercheur au CNRS, Paris) : « La tyrannie du choix chez les jeunes Aborigènes »
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Michael Houseman (Ethnologue, Directeur de l’EPHE, Paris) : « Rituels d’affiliation à l’adolescences et appropriation de soi »
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Table ronde avec les trois conférenciers sur « Affiliation et sentiment d’appartenance », Discutant : Christian Ghasarian
Présidente : Saskia von Overbeck Ottino
Gilbert Diatkine (Psychanalyste formateur SPP, Paris) : « Le fantasme d’affiliation et la perte de l’identité »
Mondher Kilani (Professeur d’anthropologie, Unil, Lausanne) : « De l’absorption au vomissement. La violence du lien social. »
Table ronde : Idéalisation du sentiment d’identité, présidée par Saskia von Overbeck Ottino, avec Alejandro Rojas Urrega et Yoram Mouchenik