Les exilés volontaires
Dans son ouvrage Je suis venu, j’ai vu, je n’y crois plus, Omar Ba, étudiant en sociologie qui s’est senti poussé à émigrer sous la pression familiale, nous livre le récit de son expérience migratoire.
Son témoignage est édifiant car l’auteur a la particularité d’avoir connu deux types de migration, une clandestine et une légale. Il décrit comment chacune d’entre elles l’a éprouvé.
Ce roman sur la réalité de l’immigration est à destination des Africains en quête d’Eldorado. L’auteur invite à arrêter de mentir à la jeunesse africaine en lui faisant croire que tout serait facile en Europe qu’il n’y aurait qu’à se baisser pour ramasser de l’argent. Il évoque aussi la vision binaire selon laquelle l’Europe serait belle, riche et généreuse tandis que l’Afrique serait misérable, démunie et à fuir.
Omar Ba étaie son propos par des récits d’immigrés et dénonce le tabou de la honte du retour, considéré comme un échec total.
Migrer relève d’un projet familial dans lequel l’élu n’a d’autre choix que d’honorer sa mission. Quitte à mendier, celui qui a été désigné ne doit en aucun cas faillir à la tâche qu’il lui revient d’honorer. Le fossé entre la vie de privation de l’immigré en Europe et le nouveau train de vie de la famille restée au pays devient immense. Si la famille s’enorgueillit de sa situation et augmente considérablement son niveau de vie, la charge sur les épaules du pourvoyeur s’alourdit. Certains immigrés sont ainsi effarés de voir que le fruit de leur labeur est dépensé avec tant de facilité alors qu’eux-mêmes ne peuvent se permettre de dépenser leur argent comme s’ils l’avaient gagné à la loterie.
Comment croire alors ceux qui tentent de dissuader leurs compatriotes de se ruer vers l’exil ? Pourquoi la jeunesse africaine se presse-t-elle dans des embarcations de fortune au péril de sa vie ?
La Méditerranée semble être devenue un cimetière à ciel ouvert sur lequel les exilés volontaires voguent, préférant compromettre leur vie en mer plutôt que de vivre démunis sur leur continent.
Que fuient-ils ? Et que leur misère doit être grande pour risquer ainsi leurs vies !
Réussir ou mourir. Samba, comme beaucoup d’autres, rêvait d’Europe et de réussite. C’est plein d’espoir qu’il avait entrepris ce voyage. Il avait préféré garder le secret pour faire la surprise à sa mère. Il lui avait été impossible de lui dire adieu. Il ne voulait pas risquer de voir apparaître sur son visage une once d’hésitation qui aurait suffi à le faire douter voire pire, renoncer.
Son frère était dans la confidence et l’attendait avec fébrilité. Il connaissait bien ce voyage pour l’avoir lui-même surmonté et guettait la trace de Samba à chaque étape. Mais Samba n’a pas survécu au voyage. C’est son frère, informé le premier de son décès, qui dû l’annoncer à sa mère. Personne ne réclama le corps de Samba. Il restera une victime anonyme, emportée par la mer. Comment faire le deuil sans corps ?
Samba, à l’image de tant d’autres, a été fauché dans la fleur de l’âge, condamné pour avoir rêvé d’un avenir meilleur. Il sera un éternel absent.
Tumbé
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