Des papiers Ô mérite

« Pour ce sans-papiers, c’est un rêve qui devient aujourd’hui réalité. L’homme, arrivé sur le sol français il y a un peu plus d’un an, a finalement obtenu une régularisation après avoir sauvé une jeune femme d’une tentative de viol. Un acte héroïque. »

La loi prévoit en effet qu’un étranger puisse être admis au séjour si des « considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels existent ». Il faut alors « apporter la preuve d’éléments liés à un talent exceptionnel ou des services à la collectivité ».  

Je suis toujours dubitative face à ces sujets que je trouve sensibles. Je ne peux pas m’empêcher de penser à toutes ces personnes en attente d’une régularisation. Je vois tous ces jeunes que j’ai accompagnés, qui suivent scrupuleusement tous les conseils qu’on leur donne pour rentrer dans les cases et espérer obtenir leur titre de séjour. Je vois tous ces parcours qui volent en éclat pour des raisons purement administratives et éminemment politiques, toutes ces histoires de vie et toutes ces personnes bafouées. 

Un jeune m’a dit une fois « Mais je dois faire quoi moi ? ». Cette semaine-là, on entendait dans les médias qu’un jeune malien sans papiers, salué en héros après avoir sauvé un enfant, était reçu à l’Élysée. Il allait être régularisé et naturalisé français pour son acte. Ce fait, largement médiatisé, avait ébranlé bon nombre de jeunes accompagnés par notre service et fait débat. Avec certains on pouvait en rire car l’humour aide parfois à faire passer la pilule, avec d’autres il a vraiment été nécessaire de leur nommer qu’ils avaient leur place ici, en France. Ils ont eu besoin d’entendre qu’ils pourraient un jour avoir une carte de séjour sans forcément sauver la vie d’un citoyen, considérant pourtant qu’ils ont bien souvent dû sauver la leur… . 

Mais en sommes-nous arrivés là ? Doit-on mériter d’être citoyen de son pays, qu’il soit d’origine ou d’accueil ? Je ne veux pas y croire et j’exerce mon métier avec la profonde croyance que chacun, chacune d’entre nous doit être considéré en tant qu’humain. 

En transculturel, la personne, l’étranger, le migrant, tel qu’on le décrit, est considéré avec ce qu’il est et avec ce qu’il ramène de là-bas. « On est habitué ici à entendre des choses de là-bas » . Grande est cette phrase que j’ai entendu et qui restera gravée dans ma tête lors de mes premiers contacts avec la clinique transculturelle. 

A tous ces titres de journaux ou d’articles de presse divers que l’on trouve dans les médias, quel est le message que l’on veut passer ? Ça se mérite donc d’être Français ? Il faut être un héros ? Et nous, qu’avons-nous fait ?  

Aïssa

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