Adoptions

Un dimanche après-midi de septembre, je fais la rencontre de Charlotte à la terrasse d’un café parisien. Au détour de nos échanges, j’apprends qu’elle est une enfant adoptée, avec des origines guadeloupéennes. Elle me parle de son parcours adoptif et de sa mère biologique, qu’elle a retrouvée et rencontrée ; et aussi de sa différence de couleur de peau d’avec ses parents adoptifs. Tant de questions qu’elle s’est posée dans ce complexe périple qu’a été sa construction identitaire.

Très vite nos échanges me renvoient plusieurs années en arrière, lorsque, à l’Aide Sociale à l’Enfance, j’effectuais les entretiens des personnes en procédure d’agrément en vue d’adoption. C’était il y a 15 ans, mais je me rappelle que la question de l’adoption internationale était posée d’un point de vue technique mais que l’angle transracial n’était que très peu abordé.

Quelques jours plus tard, Charlotte m’envoie le lien d’une interview d’Amandine Gay, autrice d’« Une poupée en chocolat ». Dans ce livre autobiographique, l’autrice invite à s’interroger sur l’identité, la filiation et la parentalité à partir du regard que les personnes adoptées et nées dans un autre pays que la France, posent sur la famille et la société. 

Pour Amandine Gay, « l’adoption [internationale] est un phénomène qui est ancré dans des inégalités », notamment des inégalités systémiques : ce sont des parents des pays du Nord qui adoptent des enfants des pays du Sud ou de l’Est. L’inverse n’est pas vrai. Elle explique aussi ce que soulève comme questions l’adoption transraciale. « Parmi les choses qui peuvent rendre difficile un parcours de personne adoptée, il n’y a pas juste le trauma de l’abandon ou la question de l’attachement, il y a aussi des enjeux qui sont politiques et sociaux, que ce soit le racisme, l’acculturation etc ».  En effet, qu’en est-il de cette rupture brutale avec les éléments de cette première vie, ce déracinement : la nourriture, la langue, la météo, l’environnement culturel, etc. Elle va jusqu’à interroger l’obligation légale actuelle, en occident, de rompre les liens avec les parents biologiques dans le cadre d’une adoption ; l’enfant devenant ainsi « la propriété » de ses parents. 

Si on part du principe que la famille est une construction sociale, alors c’est quoi “faire famille” ? Comment faire famille en occident et ailleurs ? En Polynésie française, il existe un droit coutumier, nommé le fa’a’amura’a, qui consiste en un don d’enfant à un tiers nourricier. Cette forme d’adoption ne signifie pas la rupture du lien avec les parents biologiques, au contraire, le lien est souvent maintenu. De la même manière, en Nouvelle Calédonie, « l’adoption coutumière » est une pratique encore largement répandue dans la société kanake. Là encore, le lien entre parents biologiques, enfants et parents adoptifs est maintenu. Et puis il y a la kafala au Maghreb, le fosterage en Afrique de l’Ouest… Tant de pratiques de confiage des enfants qui ne remettent traditionnellement pas en cause les liens reconnus avec les géniteurs de l’enfant.


« On ne peut pas réduire la question de l’adoption à l’amour » nous dit Amandine Gay. Alors, dans notre société en pleine évolution, le temps est peut-être venu de mettre à débat ce sujet si éminemment sensible. Et pourquoi pas, y apporter un regard transculturel ?

Julie

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