La maternité ou comment porter son bébé…
Affronter la maternité en exil confronte les femmes migrantes à de nombreux moments de questionnement à propos de la grossesse, de l’accouchement, de la projection de la maternité, de l’enfant à naître, du soin à porter au bébé, pour en citer certains.
J’ai rencontré ces dix dernières années de nombreuses femmes migrantes enceintes.
L’une d’entre elles, après une grossesse difficile, profondément déstabilisée par la solitude ressentie, me confie : « Je ne peux pas sortir de mon logement parce que je ne sais pas comment porter mon enfant. Il est trop petit pour que je le porte sur le dos comme je le fais traditionnellement.. on m’a trouvé un porte-bébé mais porter son enfant sur le ventre, chez moi, porte malheur. »
Ce questionnement, à l’air banal, porte en deçà une niche d’incompréhensions ou d’éléments troublants qui traversent l’esprit et le quotidien des mères venues d’ailleurs.
En miroir de la transparence psychique durant la grossesse, théorisée par Baldowsky (2001), Marie Rose Moro a mis en évidence une transparence culturelle des femmes enceintes en situation transculturel. Celle-ci se traduit par un accès simplifié et amplifié aux références culturelles de la future mère. Elle revient à ces fondamentaux pour vivre sa grossesse et se préparer à accueillir son bébé comme elle l’aurait fait dans sa culture d’origine, là où elle a été accueillie elle-même en tant que bébé par sa propre mère.
La distorsion entre ces références et celles proposées par la société d’accueil peuvent amener la femme enceinte à douter, se remettre en cause ou être mise en difficultés.
Des dispositifs existent pour soutenir la maternité à l’instar des groupes mère-bébé de Paris, Nantes, Brest ou Bordeaux. J’ai eu l’occasion d’échanger avec des intervenantes de ces groupes. L’intention de ces interventions est de proposer un temps aux femmes venues d’ailleurs, enceintes, récemment accouchées ou maman pour la première fois en France. Il s’agit le plus souvent de groupes d’échange et de valorisation des pratiques. Le cadre groupal permet tant aux professionnels de venir à la rencontre de ces mamans, qu’aux femmes de retrouver des compétences qu’elles oubliaient au profit des pratiques locales. La médicalisation de la grossesse en France confronte au risque de clivage avec les pratiques de protection et de soin culturellement apportées traditionnellement autour des grossesses et de l’accueil du nouveau-né.
En plus d’un engouement des mamans qui expriment le bienfait de ces groupes, c’est aussi les professionnels de santé qui y trouvent leur compte. Ils sont nombreux à souligner l’évolution de la relation thérapeutique suite à la participation aux groupes.
Les mamans et les professionnels se sentant moins démunis, ce sont les enfants qui sont mieux accueillis et peuvent dès leur naissance être d’ici et d’ailleurs. Tout comme leur mère. Tout comme nos soins.
Delphine
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