Le parcours, la traversée

Qui dit exil, dit parcours. 

Sur mon itinéraire professionnel, ils ont été nombreux, ces migrants fuyant les persécutions et les guerres. Ne les appelons pas réfugiés, ils n’en ont pas le statut. Qu’ils soient de passage ou qu’ils aient posé leurs valises, les échanges sur leur voyage m’ont très souvent marquée.

Le premier, l’initiatique, a été celui d’un couple de biélorusses. Ils racontaient comment ils avaient parcouru une partie de l’Europe à l’arrière d’un camion. Leur nouveau-né lui aussi était du voyage, lové dans le ventre de sa mère.

Par la suite, alors que j’allais régulièrement à Calais, j’ai vu ces ombres, silhouettes quasi fantomatiques le long des routes. En m’approchant, j’ai entendu la tristesse, la souffrance, l’énergie de vie aussi. Un Soudanais m’a dit, le regard embué de larmes, « je n’ai pas compris ce qu’il s’est passé dans mon pays ». Comme si la conséquence avait été de le jeter sur les routes, en errance.

Témoin mutique de ces parcours de vie si particuliers, j’ai été rassurée de voir Grégoire Deniau (reporter de guerre et photographe) partager une partie de ces histoires individuelles dans « Traversées clandestines ». Ce film documentaire met des images sur ces récits glaçants, mais bien réels. La déshumanisation elle aussi est bien réelle. Il a décidé de montrer, de faire savoir. Il a été reconnu pour cela par le prix Albert Londres en 2005.

Depuis, de nombreux autres, par des films, des livres, des reportages-photos ont illustré ces parcours si particuliers. Certains se veulent intimistes, d’autres sont plus pragmatiques. Ils questionnent les raisons des départs, l’Eldorado mais aussi les capacités des êtres humains d’un côté à accepter et de l’autre à utiliser. De chaque côté, il s’agit d’êtres humains.

Parmi ces autres productions, j’ai été marquée, en 2014, par le documentaire « Who is Dayani Cristal ? ». Gaël Garcia Bernal, acteur et réalisateur, traverse le désert « à l’envers ». Il remonte la route migratoire avec l’aide de ces chercheurs de corps du désert du sud des États-Unis. Leur rôle est de faire parvenir les corps et/ou les effets des défunts du désert à leurs familles. Les stratégies des différents « protagonistes » y sont illustrées laissant ce goût amer quant aux destins qui se jouent autour d’une frontière.

J’ai, pour ma part, continué à accueillir les récits de ces parcours. Les migrants de passage me semblent de plus en plus jeunes. Ou c’est peut-être moi qui est de plus en plus âgée. 

Je continue à me demander, récit après récit, parcours après parcours.. 

Mais qui suis-je pour émettre un jugement ? Moi qui peux parcourir ces distances sans efforts ! Je ne fais que constater l’énergie déployée, les angoisses, et les traumatismes qui en découlent.

Delphine

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