Vous avez dit transculturalité ? Je me souviens…

Je me souviens de la première fois où j’ai entendu parler de transculturalité. Un mot qui fait presque partie de mon quotidien aujourd’hui, mais qui, pourtant, à mes débuts professionnels, était absent de mon lexique.

Depuis 13 ans, j’accompagne des familles d’horizons divers. Dans le cadre de ces accompagnements, mon équipe et moi-même avions observé certaines problématiques communes à ces familles. Ce que nous observions sur notre territoire, sûrement d’autres professionnels l’avaient observé, ailleurs. Et peut-être que ces mêmes professionnels, plus aguerris que nous, avaient essayé d’y apporter des solutions…

Alors, nous nous sommes questionnés, nous avons cherché, nous avons lu et nous avons découvert l’approche transculturelle et les travaux de Marie Rose Moro : l’aventure de la transculturalité pouvait commencer !

Au départ, nous avons fait intervenir des professionnels du Centre Babel dans des ateliers, au sein des colloques que nous organisions. Nous souhaitions sensibiliser les professionnels des PRE (1), ainsi que nos partenaires, à une approche sensible et pertinente pour accompagner les familles venues d’ailleurs. Au fur et à mesure de ces rencontres, ces professionnels de la transculturalité ont nourri notre réflexion et nous ont permis de développer des compétences professionnelles qui étaient, à ce moment-là, plutôt intuitives et construites sur des sensibilités intimes et subjectives.

Puis, il y a eu le colloque du Centre Babel « Ouvrir les murs. Pour une école de tous les mondes » en 2015. Ces deux journées ont été un véritable tournant dans l’intérêt que je portais à la question de la transculturalité : ce que je pensais être une simple curiosité professionnelle est venue bousculer en moi quelque chose de très personnel. 

Je me souviens de façon précise du témoignage intime et sensible de Lilian Thuram qui racontait comment il était « devenu noir », à l’âge de 9 ans, en découvrant le racisme quand il est arrivé en métropole.

Je me souviens particulièrement du moment où un professionnel m’a fait prendre conscience du poids de l’héritage colonial que nous portions en nous, ici, en France, souvent à notre insu. Un peu à l’instar des héritages familiaux. Ces fameux secrets de famille qui se transmettent de génération en génération et qui empêchent les nouveaux nés d’écrire leurs propres histoires, bloqués dans la répétition de celles qui ne leur appartiennent pas.

Ce jour-là, quelque chose qui, jusqu’à maintenant, me touchait d’un point de vue intellectuel, est venue me toucher dans mon corps, siège des émotions…  Pour moi, il y a eu un avant et un après ce colloque.

Quelques années plus tard, c’est tout naturellement que je me suis inscrite au DU Psychiatrie et compétences transculturelles. J’ai alors pris conscience, lorsqu’on nous a demandé d’écrire sur notre contre-transfert, de tout ce qui s’était joué en moi depuis toutes ces années, en travaillant auprès des familles venues d’ailleurs… La boucle était bouclée. Un lien profond commençait à se tisser entre l’intime et le collectif, l’intellectuel et l’émotionnel. 

Il me reste une question, qui m’habite moi, tout comme, j’ai l’impression, elle habite tous ceux qui passent par une formation transculturelle. Penser la transculturalité comme une approche de l’humain, où l’altérité et le métissage seraient un début de réponse pour une société et un monde plus juste et moins discriminant, serait-il une utopie ?

Je suis convaincue que non. À nous de construire cette nouvelle société transculturelle !

Julie

(1) Programme de Réussite Éducative

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