Ce qui ne tue pas rend plus fort ou handicapé

En 2003, dans Tout c’qu’on connaît, Booba rappait « ce qui ne tue pas rend plus fort ou handicapé ». En faisant un pied de nez à l’aphorisme nietzschéen selon lequel tout ce qui ne tue pas rendrait forcément plus fort, Booba nous invite à considérer les conséquences des épreuves traversées, à requestionner la résilience comme allant d’elle-même et à réfléchir au statut du handicap.

Le terme de handicap vient étymologiquement de l’anglais « hand in cap » et fait référence à un jeu pratiqué en Grande-Bretagne au XVIème siècle, qui consistait en l’échange de biens à l’aveugle entre deux joueurs. Une tierce personne, médiatrice, était chargée d’évaluer la valeur des biens. Elle devait ensuite demander au joueur recevant le bien de plus grande valeur de placer dans un chapeau une somme compensatoire, qui permettait de rétablir une équité et de garantir qu’aucun des deux joueurs ne soit désavantagé.

Si nous entendons le handicap au sens large, c’est-à-dire comme tout désavantage, qu’il soit plus explicitement physique ou psychologique, inné ou acquis au fil des parcours de vie, nous pouvons nous demander qui ne serait en rien handicapé. Autrement dit, qui n’a rien traversé dans son existence qui ne l’ait pas tué mais lui ait conféré un certain désavantage, notamment social ? 

Mais intéressons-nous au traitement qui est réservé à ceux qui portent un handicap plus palpable et à comment les sociétés considèrent la question sous-jacente, celle de la vulnérabilité. 

Selon Charles Gardou, « dans la plupart des cultures, les personnes en situation de handicap sont condamnées à suivre un chemin séparé, à vivre comme des êtres atopos, sans réelle place dans le corps social ». Il ajoute néanmoins que dans les communautés kanak de Nouvelle-Calédonie, « la victime du malheur peut être aussi bien l’élue de la divinité que le porteur du stigmate de l’infamie ». Il semblerait en effet que la considération des personnes porteuses de handicap, selon les communautés et les périodes, oscille entre fascination et rejet.

Dans des cultures marquées par les conflits armés, les épargnés auraient une dette et un sentiment de honte vis-à-vis des personnes porteuses de handicap de guerre. Un retournement semble s’opérer : les non porteurs de stigmates deviennent les marginalisés.

Chez les Inuits de l’Arctique canadien, les personnes porteuses de handicap étaient évincées de la société, « sauf si elles affichaient d’exceptionnelles capacités à dépasser les limites induites par leur état ». La considération de la personne dite handicapée semble donc liée à sa capacité à transcender voire à sublimer le désavantage. Il n’en résulte pas moins que sans résilience, c’est l’exclusion qui advient.

Quelle que soit la culture dans laquelle nous nous situons et bien que les considérations du handicap divergent, elles semblent se faire le reflet d’une question universelle : comment l’homme peut-il appréhender le différentiel entre l’idéal de l’homme culturellement introjecté et l’homme réel, handicapé si ce n’est que par sa propre vulnérabilité ?

Éléonore

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